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UNIQUEMENT NOS DESIRS
8 février 2007

31 décembre à ... Varanasi

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En général, quand je rentre de mes voyages, j'ai une bonne semaine, voir une dizaine de jours d'adaptation avant de pouvoir parler de ce que j'ai vécu. C'est toujours trop loin de nous, de notre vie et c'est dur de faire partager du ressenti. En ce qui concerne mon 31 décembre 2006, je n'arrive à en parler que depuis une quinzaine de jours . Ce 31 décembre restera à jamais dans mes souvenirs, dans mes tripes.

Nous sommes arrivés le 30 décembre à Varanasi (Bénarès), en Inde.  Varanasi, ville sacrée, c'est la contraction de Varuna & Assi, deux rivières qui entourent la ville. Ce sont 2 millions d'habitants permanents (petite ville!) et quasi la moitié de visiteurs. Cette ville est dédiée à Shiva (oui le papa de Ganesh, souvenez-vous). Le "comble du bonheur" pour un hindou est d'être brûler (d'avoir sa crémation) à Varanasi, même s'il n'y meurt pas . La légende dit que lors de la crémation au bord du Gange, Shiva vient parler à l'oreille du mort pour lui donner la "route du paradis" et mettre fin ainsi au cycle des réincarnations.

Le 30 donc, nous rentrons tout de suite dans le vif du sujet en allant à Manikarnika ghats, un des plus anciens ghats* de crémation de la ville. Les crémations ont lieu 24h/24. C'est vraiment impressionnat, en 20mn, plus de 5morts sont brûlés devant nos yeux. Ils sont amenés sur des échelles en bambous, enrobés de tissus blancs pour les hommes et rouge pour les femmes recouverts de tissus dorés . Tout d'abord le corps est lavé par l'eau "pure" du Gange (je mets pure entre guillemets, car nous pauvres européens avont du mal à imaginer qu'un fleuve empli de plastiques, déchets ... puisse fournir une eau pure, mais bon il parait que c'est en dessous de la surface que l'eau est pure..), puis c'est le fils ainé, qui est considéré comme l'héritier légal qui allume le bûcher funéraire. Les femmes n'assiste pas aux crémations et contrairement à Bali, les touristes ne sont pas les bienvenus (on doit rester bien en retrait et les photos sont interdites).

Si la famille a les moyens, elle paye un prêtre, sinon ... quelqu'un d'autre (initié), s'en charge. Si vraiment la famile n'a pas d'argent, il y a le funénarium public (500.ooo rps, soit env. 8.95 €).. Si la crémation ne peut se faire à Varanasi, il est bon de venir jeter par la suite les cendres dans le Gange. Ca c'est un peu l'Inde, un peu l'Hindouisme, "on s'arrange, l'essentiel étant d'y croire!")

Voilà pour la partie purement technique, vous pensez bien, quand vous regarder les photos des crémations à Bali (cérémonies), que ce n'est pas ce qui m'a retourné les tripes.

Parlons donc du 31 décembre ... Départ de l'hôtel à 6h15 avec notre super guide, en route pour une "balade" en barque sur le Gange, pour "voir" les bénédictions et crémations. Nous arrivons vers les ghats et en sortant de la voiture, nous ne voyons pas à 3 mètres devant nous, un brouillard "à couper au couteau". Nous allons vers le lieu d'embarquement, mais ne pourrons bien entendu monter sur aucune barque, trop de brouillard, aucune visibilité. Notre guide nous propose de rester au bord et de voir ainsi les cérémonies et premières crémations des ghats.

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Tout d'un coup, nous ouvrons nos yeux et à travers cet affreux brouillards, sortent mendiants, vieux, très vieux, malades, sadhus, vaches sacrés, vendeurs. Le brouillard donne une impression de ralenti à chaque nouveau geste, une impression d'arrêt sur image, comme un trucage de film réalisé pour intensifier la souffrance, la misère, l'errance. L'odeur d'encens, se mélange aisément avec l'odeur de la merde, ma tête commence à tourner légèrement en sens inverse de mon cerveau qui se réveille, impossible de prendre une photo. J'ai tout d'un coup du mal à imaginer que je puisse être touriste ici, que je puisse "faire du toursme" ici. Les larmes me montent aux yeux et je suis quelques instants (longs) dans un état plus que second.

Comment peut t'on faire du tourisme dans la misère ?

Comment faire de la misère du tourisme ?

On fait quoi, on sort notre porte feuilles et on jette tout notre argent en l'air? On monte un Ashram ?

Ou on rentre en France et on en parle, pour que ce lieu de culte soit mieux connu et visité, pour amener ainsi chacun à notre tour de nouvelles richesses (car croyez-moi on est bien loin ici de Delhi, c'est un autre pays)

Notre matinée se continue avec la visite de la vieille ville, mais toujours ce brouillard qui ne se lève pas. Ce n'est plus pareil, c''est vraiment le lieu de crémation et de prières qui m'a bouleversée. C'est peut être normal, c'est un lieu saint où nous n'avions peut être rien à faire.

L'après-midi, nous partons enfin en barque, pour suivre ces 7 kilomètres de ghats. Le coucher de soleil illumine ces nombreux temples, les crémations ne cessent. A un moment on compte même 16 corps qui "attendent", pendant que 5 bûchers sont déjà allumés.

Nous sommes le 31 décembre et ce soir Varanasi s'apprête à fêter comme le monde entier notre changement d'année occidentale, nous avons réservé une table à notre hôtel. Pas encore tout à fait remise de ma matinée, nous penettrons dans le jardin, où ont été dressé environ 300 couverts !!! Tout est superbement fait, tables magnifiques, cotillons, langues de belle-mère, 5 points buffet ... j'allucine ! Il y a autant de touristes à Varanasi ? NON NON, nous ne sommes qu'une dizaine à table. Toutes les autres réservations ont été effectuée par des indiens. Tous en famille, entre amis. Les gens arrivent au fur et à mesure, et, à la première note de musique .... les indiens se précipitent sur l'Enorme piste de dance et c'est parti pour une Soirée Boliwood ! Une vraie, en Live . Ils sont déchainés, enchainent chorégraphies sur chorégraphies (certainement tirées des fims) . Les hommes, les femmes, les enfants, les jeunes, les vieux sont hystériques, ils ne quittent pas la piste. Toutes les demi-heures, une star locale vient animer la soirée, organiser des jeux et présenter des chorégraphies d'autres stars locales.

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C'est l'allu !!!! les seules qui pensent régulièrement à aller au buffet sont les touristes, les indiens eux n'ont pas cette priorité.

Voilà notre 31 décembre, ou plutôt comme je le ressens, nos 31 décembre 2006, j'en ai vécu deux, je suis passée de cette impression du clip de Mikael Jakson dans Thriller où les morts vivents sortent du brouillard à une autre réalité de l'Inde, la fête, Boliwood ..

Désolée d'avoir été très longue, j'espère vous avoir permis d'imaginer cette journée, mais c'est vraiment encore très dure d'en parler, car j'essaye de trouver les mots pour vous le faire vivre, mais moi, je n'aurai jamais pu l'imaginer avant de le vivre.

Les phots d'Indeseront publiées très prochainement (pb techniques)

*Les ghats sont les marches qui plongent dans le fleuve et qui servent aux bains rituels des hindous. Certains ghats sont réservés à la crémation des morts. Il y a une centaine de ghats le long du Gange, à Varanasi.

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Commentaires
M
Et tu vas bientôt connaître cela, j'en suis sûre, puisque tu en as envie ! biz
C
Passionnant ce récit ; nous les occidentaux nous avons un peu de difficultés à comprendre ce qui se passe à l'autre bout du monde et nous nous n'imaginons pas la misère qui peut exister tant qu'on ne l'a pas "approchée",... et ce contraste avec le boliwood....
A
Et bien... C'est fort tout ça. <br /> Apparemment, l'Inde c'est toujours un grand choc, c'est toujours plein de sentiments contradictoires, ça ne laisse personne indifférent...<br /> J'ai très envie de découvrir ce pays et en même temps, ça me fait un petit peu peur...
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